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Commentaire de Jean-Paul II
 

Lettre Apostolique Savici Doloris, Le sens chrétien de la souffrance humaine, 1983

A l'Evangile de la souffrance appartient aussi — et d'une manière organique — la parabole du bon Samaritain. Dans cette parabole, le Christ a voulu répondre à la question : « Qui est mon prochain ? ». En effet, des trois passants sur la route de Jérusalem à Jéricho, au bord de laquelle un homme dévalisé et blessé par des brigands gisait à terre à moitié mort, c'est précisément le Samaritain qui se montra en vérité être le « prochain » de ce malheureux : le « prochain » veut dire également celui qui a accompli le commandement de l'amour du prochain. Deux autres voyageurs parcoururent la même route ; l'un était prêtre et l'autre lévite ; mais chacun d'eux, « le vit et passa outre ». Par contre, le Samaritain « le vit et fut pris de pitié. I1 s'approcha, banda ses plaies », puis « le mena à l'hôtellerie et prit soin de lui. » Et, au moment de son départ, il recommanda soigneusement à l'hôtelier l'homme qui souffrait et s'engagea à solder les dépenses nécessaires.

La parabole du bon Samaritain appartient à l'Evangile de la souffrance. Elle indique, en effet, quelle doit être la relation de chacun d'entre nous avec le prochain en état de souffrance. Il nous est interdit de « passer outre », avec indifférence, mais nous devons « nous arrêter » auprès de lui. Le bon Samaritain, c'est toute personne qui s'arrête auprès de la souffrance d'un autre homme, quelle qu'elle soit. S'arrêter ainsi, cela n'est pas faire preuve de curiosité mais de disponibilité. Celle-ci est comme une certaine disposition intérieure du cœur qui s'ouvre et qui est capable d'émotion. Le bon Samaritain est toute personne sensible à la souffrance d'autrui, la personne qui « s'émeut » du malheur de son prochain. Si le Christ, sachant ce qu'il y a dans l'homme, souligne cette capacité émotive, c'est qu'il veut en montrer l'importance dans nos comportements face à la souffrance des autres. Il importe donc de développer en soi cette sensibilité du cœur, qui témoigne de notre compassion pour un être souffrant. Parfois, cette compassion est la seule ou la principale expression possible de notre amour et de notre solidarité avec ceux qui souffrent.

 

Mais le bon Samaritain de la parabole du Christ ne se contente pas seulement d'émotion et de compassion. Ces mouvements affectifs deviennent pour lui un stimulant qui l'amène à agir concrètement et à porter secours à l'homme blessé. Tout homme qui porte secours à des souffrances, de quelque nature qu'elles soient, est donc un bon Samaritain. Secours efficace, si possible. Ce faisant, il y met tout son cœur, mais il n'épargne pas non plus les moyens d'ordre matériel. On peut même dire qu'il se donne lui-même, qu'il donne son propre « moi » en ouvrant ce « moi » à un autre. Nous touchons ici un des points clés de toute l'anthropologie chrétienne. La personne humaine ne peut « pleinement se reconnaître que par le don désintéressé d'elle-même. » Un bon Samaritain, c'est justement l'homme capable d'un tel don de soi.

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