top of page

Les Coupes de Seder

Méditation

Dans cette fable, La Fontaine met en scène deux êtres humains (et non des animaux). Le savetier, dans sa relative pauvreté, est libre : libre de chanter sans souci de protéger un trésor. Et il préfère cette liberté à l’argent. Le financier a essayé de l’acheter : il se libère en lui rendant son argent.

 

LE SAVETIER ET LE FINANCIER 
 

Un Savetier chantait du matin jusqu'au soir :
           C'était merveilles de le voir,
Merveilles de l'ouïr ; il faisait des passages,
           Plus content qu'aucun des Sept Sages. 
Son voisin au contraire, étant tout cousu d'or,
           Chantait peu, dormait moins encor.
           C'était un homme de finance.
Si sur le point du jour, parfois il sommeillait,
Le Savetier alors en chantant l'éveillait,
           Et le Financier se plaignait
           Que les soins de la Providence
N'eussent pas au marché fait vendre le dormir,
           Comme le manger et le boire.
           En son hôtel il fait venir
Le Chanteur, et lui dit : Or çà, sire Grégoire, 
Que gagnez-vous par an ?  Par an ? Ma foi, monsieur,
           Dit avec un ton de rieur
Le gaillard Savetier, ce n'est point ma manière
De compter de la sorte ; et je n'entasse guère
Un jour sur l'autre : il suffit qu'à la fin
           J'attrape le bout de l'année :
           Chaque jour amène son pain.
Eh bien, que gagnez-vous, dites-moi, par journée ?
Tantôt plus, tantôt moins, le mal est que toujours
(Et sans cela nos gains seraient assez honnêtes),
Le mal est que dans l'an s'entremêlent des jours
       Qu'il faut chômer ; on nous ruine en fêtes .
L'une fait tort à l'autre ; et monsieur le Curé
De quelque nouveau saint charge toujours son prône.
Le Financier, riant de sa naïveté,
Lui dit : Je vous veux mettre aujourd'hui sur le trône.
Prenez ces cent écus : gardez-les avec soin,
           Pour vous en servir au besoin.
Le Savetier crut voir tout l'argent que la terre
           Avait, depuis plus de cent ans
           Produit pour l'usage des gens.
Il retourne chez lui ; dans sa cave il enserre
           L'argent et sa joie à la fois.
           Plus de chant ; il perdit la voix
Du moment qu'il gagna ce qui cause nos peines.
           Le sommeil quitta son logis,
           Il eut pour hôte les soucis,
           Les soupçons, les alarmes vaines.
Tout le jour il avait l'œil au guet ; et la nuit,
           Si quelque chat faisait du bruit,
Le chat prenait l'argent : à la fin le pauvre homme
S'en courut chez celui qu'il ne réveillait plus.
Rendez-moi, lui dit-il, mes chansons et mon somme,
           Et reprenez vos cent écus.

 

La Fontaine, Fables, VIII,1668

____________________________

 

Cette courte pensée de Pascal exprime de façon synthétique ce qu’est pour lui à la fois la vérité et la liberté. La vérité est ce que l’homme cherche, qu’il se sache ou non, comme s’il était en était l’orphelin : un « roi déchu » dit Pascal. Et comme cette vérité est inaccessible, l’homme est malheureux. Quelquefois, quand il est sage, il accepte d’être libéré et du malheur et de l’échec par Celui qui ne fait que lui tendre les bras.

 

538. Il est bon d’être lassé et fatigué par l’inutile recherche du vrai bien, afin de tendre les bras au libérateur.

Pascal, Pensées, 1670

____________________

 

Dans ce poème extrait des Fleurs du Mal, Baudelaire le bonheur d’être libéré des pesanteurs du monde et du mal. Cette libération s’exprime par une élévation qui permet de contempler le monde et de le comprendre. D’être poète…

 

Élévation

Au-dessus des étangs, au-dessus des vallées,
Des montagnes, des bois, des nuages, des mers,
Par-delà le soleil, par-delà les éthers,
Par-delà les confins des sphères étoilées,

Mon esprit, tu te meus avec agilité,
Et, comme un bon nageur qui se pâme dans l’onde,
Tu sillonnes gaiement l’immensité profonde
Avec une indicible et mâle volupté.

Envole-toi bien loin de ces miasmes morbides ;
Va te purifier dans l’air supérieur,
Et bois, comme une pure et divine liqueur,
Le feu clair qui remplit les espaces limpides.

Derrière les ennuis et les vastes chagrins
Qui chargent de leur poids l’existence brumeuse,
Heureux celui qui peut d’une aile vigoureuse
S’élancer vers les champs lumineux et sereins ;

Celui dont les pensées, comme des alouettes,
Vers les cieux le matin prennent un libre essor,
– Qui plane sur la vie, et comprend sans effort
Le langage des fleurs et des choses muettes !

 

Charles Baudelaire, Les Fleurs du Mal, 1857

bottom of page