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Comme des raisins au désert, j’avais trouvé Israël

 

François BESSONNET

 

 

Crimes et châtiments

Le chapitre 9 du livre d’Osée porte dans l’ensemble un regard très désespérant quant à l’avenir des fils d’Israël. Le Seigneur a vu, non plus la misère de son peuple (Ex 3,7), mais son attitude misérable qui lui a fait préférer, au temps d’Osée (VIII°s.), les pratiques idolâtres.

Comme des raisins au désert, j’avais trouvé Israël ; comme un premier fruit sur un jeune figuier, j’avais vu vos pères. Mais eux, arrivés à Baal-Péor, ils se sont voués à la Honte, ils sont devenus aussi horribles que l’objet de leur amour. Éphraïm ! Comme un oiseau s’envolera ta gloire, dès la naissance, dès la grossesse et la conception. Même s’ils élèvent des fils, je les en priverai avant qu’ils aient l’âge d’homme. Oui, malheur à eux, quand je m’en éloignerai ! Os 9,10-12

Le jugement est terrible et terrifiant. Comme souvent dans la littérature prophétique, Osée procède en trois temps (je résume).
Le premier temps consiste à dénoncer les péchés du peuple, des princes et des prêtres (Os 1-3). Le prophète établit les infidélités et les exactions envers Dieu et les plus fragiles.
Puis vient l’expression d’un premier jugement du Seigneur accompagné de menaces (Os 4-11).
Mais celles-ci sont tempérées, voire effacées, en raison de l’amour de Dieu qui se rétracte de sa colère et appelle à la conversion et à la réconciliation (Os 12-14).

 

Notre chapitre appartient donc à ces châtiments terribles qui pourraient advenir à Israël à cause de ses crimes, si Dieu n’était pas miséricordieux. Bref Osée c’est du Dostoïevski avant l’heure. Mais je ne veux pas faire un commentaire détaillé du livre d’Osée, pas même de ce chapitre 9. Ce verset 10 nous suffira amplement.

 

Une vigne au désert

Comme des raisins au désert, j’avais trouvé Israël  Os 9,10a.

L’image viticole associée à Israël est traditionnelle, particulièrement chez les prophètes.

La vigne du Seigneur de l’univers, c’est la maison d’Israël. Le plant qu’il chérissait, ce sont les hommes de Juda. (Is 5,7).

De nombreux pasteurs ont saccagé ma vigne, piétiné la part qui me revient ; ils ont changé ma part délicieuse en solitude désolée ( Jr 12,10).

Ta mère était comme une vigne plantée au bord des eaux. Elle était féconde et touffue, car les eaux étaient abondantes (Ez 19,10). etc.

 

En effet, ce verset est en lui-même, dans ce paysage noir dressé par le prophète, un véritable germe d’Espérance. Car le Seigneur a trouvé ce que personne n’aurait jamais cherché : des raisins, une vigne féconde, au désert. Ce n’est pas un bien rare et précieux que le prophète nous donne à contempler à travers cette vigne du désert, c’est l’impossible.

C’est l’occasion pour Osée d’évoquer l’action du Seigneur et l’origine des fils d’Israël. Car ce pied de vigne est celui des Hébreux, esclaves méprisés de Pharaon, que le Seigneur a fait sortir d’Égypte. C’est cette vigne qu’il a fait grandir et mûrir au désert. Il en a fait, et non sans mal, son peuple pour l’enraciner sur la terre de Canaan. Comme des raisins au désert, le Seigneur a trouvé Israël. Rien ni personne ne pouvait agir comme le Seigneur. Israël est né de ce désert et doit sa vie à Dieu. Derrière cette image, nous pouvons aussi entendre l’endurance et la persévérance du Seigneur pour trouver et aimer son peuple et chacun d’entre nous. Même dans un désert, là où tout semble perdu, voire abandonné, le Seigneur est capable d’y trouver ce qu’il y a de plus singulier et d’improbable : des raisins.

 

Les raisins du désert

La vigne est synonyme d’opulence, les fruits en manifestent toute la fécondité. Ce que le Seigneur a trouvé dans le désert c’est la fécondité d’un peuple. L’image qui suit ce verset donne peut-être à comprendre la teneur de cette fécondité. Comme des raisins au désert, j’avais trouvé Israël ; comme un premier fruit sur un jeune figuier, j’avais vu vos pères.  Cette première figue est une figue précoce venue avant toutes les autres. Elle n’est pas encore tout à fait mûre mais véritablement unique dans tous les sens du terme. À elle seule, elle offre l’espérance en d’autres fruits plus nombreux et savoureux, et à elle seule, elle réjouit le cœur du jardinier. Nos raisins du désert sont ces prémices et cette promesse d’une vigne luxuriante. Cette fécondité, petite poignée, unique et encore verte, née cette vigne, ce sont ces premiers pas dans le désert à la suite du Seigneur. C’est la foi de ces quelques-uns, Hébreux bien fous, qui ont écouté ce Moïse pour fuir Pharaon et s’aventurer dans un désert d’épreuves.

Il n’a suffi que d’un oui à ce Dieu improbable, sans nom, pour voir en un désert une vigne porter du fruit. Comme des raisins au désert, Dieu a trouvé Israël, promesse d’une fécondité dans l’Alliance, à l’écoute de son Seigneur. Promesse parfois déçue, décevante comme le souligne Osée lui-même :

Israël était une vigne luxuriante, qui portait beaucoup de fruit. Mais plus ses fruits se multipliaient, plus Israël multipliait les autels ; plus sa terre devenait belle, plus il embellissait les stèles des faux dieux. Os 10,1.

 

Les raisins rares et précoces de la foi sont devenus, dans l’opulence ou par d’autres, des raisins sauvages et amers pour le Seigneur. Dans sa richesse, au temps d’Osée, Israël s’est détourné de l’Alliance – mais cela arrive aussi à tout homme de foi et parfois au sein de l’Église. La ruine attend la vigne. Cependant si Dieu a trouvé Israël comme des raisins au désert, il est encore possible, dans ce désert d’oubli, qu’il y trouve quelques prémices de raisins de la foi, quelques lueurs inattendues d’espérance. Le Seigneur est encore capable de trouver des raisins dans nos déserts. En ce temps carême ne sommes-nous pas invités à devenir ces raisins issus d’un bois nouveau, d’un cep unique, pour une nouvelle vendange née de cet attachement viscéral de Dieu pour son peuple, en son Fils ?

 

aularge.eu/blog/2019/04/10/desert-31-comme-des-raisins-au-desert/




 

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