Les Dangers
‣ Méditation
Dans ce poème extrait des Fleurs du Mal, Baudelaire évoque la mort comme une délivrance. Ceux qui qui n’ont rien obtenu du monde, les « pauvres » se tournent vers un ciel hypothétique que leur ouvrira la mort : un banquet ou s’asseoir et manger…
La mort des pauvres
C’est la Mort qui console et la Mort qui fait vivre ;
C’est le but de la vie et c’est le seul espoir
Qui, divin élixir, nous monte et nous enivre,
Et nous donne le cœur de marcher jusqu’au soir ;
A travers la tempête, et la neige, et le givre,
C’est la clarté vibrante à notre horizon noir ;
C’est l’auberge fameuse inscrite sur le livre,
Où l’on pourra manger, et dormir et s’asseoir ;
C’est un Ange qui tient dans ses doigts magnétiques
Le sommeil et le don des rêves extatiques,
Et qui refait le lit des gens pauvres et nus ;
C’est la gloire des Dieux, c’est le grenier mystique,
C’est la bourse du pauvre et sa patrie antique,
C’est le portique ouvert sur les Cieux inconnus !
Baudelaire, Les Fleurs du Mal, « La Mort des pauvres », 1857
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Le personnage du roman de Giono, Jourdan, espère la venue d’un homme providentiel, pas un roi, pas un puissant, quelqu’un capable de le sauver.
Depuis longtemps il attendait la venue d'un homme. Il ne savait pas qui. Il ne savait pas d'où il viendrait. Il ne savait pas s'il viendrait. Il le désirait seulement. C'est comme ça que parfois les choses se font et l'espérance humaine est un tel miracle qu'il ne faut pas s'étonner si parfois elle s'allume dans une tête sans savoir ni pourquoi ni comment.
Le tout c'est qu'après elle continue à soulever la vie avec ses grandes ailes de velours.
« Moi, je crois qu'il viendra », se dit Jourdan.
Et puis, c'est bien vrai, la nuit était extraordinaire. Tout pouvait arriver dans une nuit pareille. Nous aurions beau temps que l'homme vienne.
Giono, Que ma joie demeure, 1935
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Dans cette fable, La Fontaine renverse le rapport de force puissant/faible. Celui qui est fort, massif et méprisant sera déraciné alors que le fragile roseau est épargné par la tempête.
Le Chêne et le Roseau
Le Chêne un jour dit au Roseau :
" Vous avez bien sujet d’accuser la Nature ;
Un Roitelet pour vous est un pesant fardeau.
Le moindre vent, qui d’aventure
Fait rider la face de l’eau,
Vous oblige à baisser la tête :
Cependant que mon front, au Caucase pareil,
Non content d’arrêter les rayons du soleil,
Brave l’effort de la tempête.
Tout vous est Aquilon1, tout me semble Zéphyr2.
Encor si vous naissiez à l’abri du feuillage
Dont je couvre le voisinage,
Vous n’auriez pas tant à souffrir :
Je vous défendrais de l’orage ;
Mais vous naissez le plus souvent
Sur les humides bords des Royaumes du vent.
La nature envers vous me semble bien injuste.
- Votre compassion, lui répondit l’Arbuste,
Part d’un bon naturel ; mais quittez ce souci.
Les vents me sont moins qu’à vous redoutables.
Je plie, et ne romps pas. Vous avez jusqu’ici
Contre leurs coups épouvantables
Résisté sans courber le dos ;
Mais attendons la fin. " Comme il disait ces mots,
Du bout de l’horizon accourt avec furie
Le plus terrible des enfants
Que le Nord eût portés jusque-là dans ses flancs.
L’Arbre tient bon ; le Roseau plie.
Le vent redouble ses efforts,
Et fait si bien qu’il déracine
Celui de qui la tête au Ciel était voisine
Et dont les pieds touchaient à l’Empire des Morts.
La Fontaine, Fables, I, 22, 1668