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9 : Espérer dans les épreuves

Romains 3, 3 - 5 : La détresse, nous le savons, produit la persévérance ; la persévérance produit la vertu éprouvée ; la vertu éprouvée produit l’espérance ; et l’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné.

Spe Salvi

36. Comme l'agir, la souffrance fait aussi partie de l'existence humaine… Il faut certainement faire tout ce qui est possible pour atténuer la souffrance : empêcher, dans la mesure où cela est possible, la souffrance des innocents ; calmer les douleurs ; aider à surmonter les souffrances psychiques. Autant de devoirs aussi bien de la justice que de l'amour qui rentrent dans les exigences fondamentales de l'existence chrétienne et de toute vie vraiment humaine.

 

37. Nous pouvons chercher à limiter la souffrance, à lutter contre elle, mais nous ne pouvons pas l'éliminer… Ce n'est pas le fait d'esquiver la souffrance, de fuir devant la douleur, qui guérit l'homme, mais la capacité d'accepter les tribulations et de mûrir par elles, d'y trouver un sens par l'union au Christ, qui a souffert avec un amour infini.

Dans ce contexte, je voudrais citer quelques phrases d'une lettre du martyr vietnamien Paul Le-Bao-Tinh (mort en 1857), dans lesquelles devient évidente cette transformation de la souffrance par la force de l'espérance qui provient de la foi. « Moi, Paul, lié de chaînes pour le Christ, je veux vous raconter les tribulations dans lesquelles je suis chaque jour enseveli, afin qu'embrasés de l'amour divin, vous bénissiez avec moi le Seigneur, parce que dans tous les siècles est sa miséricorde (cf. Ps 135, 3). Cette prison est vraiment une vive figure de l'enfer éternel. Aux liens, aux cangues et aux entraves viennent s'ajouter des colères, des vengeances, des malédictions, des conversations impures, des rixes, des actes mauvais, des serments injustes, des médisances, auxquels se joignent aussi l'ennui et la tristesse. Mais celui qui a déjà délivré les trois enfants des flammes ardentes est aussi demeuré avec moi ; il m'a délivré de ces maux et il me les convertit en douceur, parce que dans tous les siècles est sa miséricorde. Par la grâce de Dieu, au milieu de ces supplices qui ont coutume d'attrister les autres, je suis rempli de gaieté et de joie, parce que je ne suis pas seul, mais le Christ est avec moi [...]. Je vous écris ces choses pour que nous unissions votre foi et la mienne : au milieu de ces tempêtes, je jette une ancre qui va jusqu'au trône de Dieu ; c'est l'espérance qui vit toujours en mon cœur ».

 

39. Souffrir avec l'autre, pour les autres ; souffrir par amour de la vérité et de la justice ; souffrir à cause de l'amour et pour devenir une personne qui aime vraiment – ce sont des éléments fondamentaux d'humanité ; leur abandon détruirait l'homme lui-même.

Mais encore une fois surgit la question : en sommes-nous capables ? L'autre est-il suffisamment important pour que je devienne pour lui une personne qui souffre ? La vérité est-elle pour moi si importante pour payer la souffrance ? La promesse de l'amour est-elle si grande pour justifier le don de moi-même ?

À la foi chrétienne, dans l'histoire de l'humanité, revient justement ce mérite d'avoir suscité dans l'homme d'une manière nouvelle et à une profondeur nouvelle la capacité de souffrir de la sorte, qui est décisive pour son humanité. La foi chrétienne nous a montré que vérité, justice, amour ne sont pas simplement des idéaux, mais des réalités de très grande densité. Elle nous a montré en effet que Dieu – la Vérité et l'Amour en personne – a voulu souffrir pour nous et avec nous.

Bernard de Clairvaux a forgé l'expression merveilleuse : Impassibilis est Deus, sed non incompassibilis, Dieu ne peut pas souffrir, mais il peut compatir. L'homme a pour Dieu une valeur si grande que Lui-même s'est fait homme pour pouvoir compatir avec l'homme de manière très réelle, dans la chair et le sang, comme cela nous est montré dans le récit de la Passion de Jésus. De là, dans toute souffrance humaine est entré quelqu'un qui partage la souffrance et la patience ; de là se répand dans toute souffrance la con-solatio ; la consolation de l'amour qui vient de Dieu et ainsi surgit l'étoile de l'espérance.

Certainement, dans nos multiples souffrances et épreuves nous avons toujours besoin aussi de nos petites ou de nos grandes espérances – d'une visite bienveillante, de la guérison des blessures internes et externes, de la solution positive d'une crise, et ainsi de suite. Dans les petites épreuves, ces formes d'espérance peuvent aussi être suffisantes. Mais dans les épreuves vraiment lourdes, où je dois faire mienne la décision définitive de placer la vérité avant le bien-être, la carrière, la possession, la certitude de la véritable, de la grande espérance, dont nous avons parlé, devient nécessaire.

MOSAÏQUE

Paul dit aux Corinthiens 2, 1 – 2 : « Frères, quand je suis venu chez vous, je ne suis pas venu vous annoncer le mystère de Dieu avec le prestige du langage ou de la sagesse.

Parmi vous, je n’ai rien voulu connaître d’autre que Jésus Christ, ce Messie crucifié. »

Notre foi ne nous conduit pas vers un Dieu tout-puissant mais vers un Crucifié.

 

13° MOSAÏQUE – LA CROIX

Le Christ, sur la croix, fait entendre son cri de souffrance : « Pourquoi m’as-tu abandonné ? »

Malgré son désarroi, il ne se laisse pas envahir par le désespoir. Il confie sa vie à Celui en qui il a cru : « Père, en tes mains, je remets mon esprit. »

Vous pouvez lire le texte sur le pilier et écouter en cliquant ICI.

Anne Lécu – Revue Etudes

L’espérance, dit Jacques Ellul, est un combat, le combat de l’homme qui ne se résout pas à l’effacement de Dieu : « L’espérance est la réponse de l’homme au silence de Dieu. »

Celui qui la représente plus que tout autre est Job, qui en appelle à Dieu contre Dieu et attend de lui qu’il se lève et vienne prendre sa défense, et non seulement la sienne, mais aussi celle de tous les pauvres comme lui, des innocents comme lui. C’est donc non seulement une démarche active, mais combative, une anti-résignation. Il faut que ce soit vrai que Jésus Christ est avec nous jusqu’à la fin du monde.

« Il faut, dit Ellul, que Dieu entende la protestation de l’homme ( « Où donc est passée mon espérance ? » Job 17,  15) : cette parole de Job est, par essence, la parole décisive de l’espérance. Et nous avons le droit de le dire, de le redire en ce temps, même si nous sommes pécheurs (et nous le sommes), même si nous avons bien mérité que Dieu nous abandonne (et nous l’avons bien mérité), même si l’Église est une parodie d’Église indigne de Dieu (et elle est une parodie d’Église), […] et quand on a reconnu tout cela, et bien plus encore, eh bien, nous refusons quand même que Dieu nous laisse et ne parle plus. »

C’est l’absolu contraire de l’espoir qui pense que « ça ira mieux demain » ou « qu’il y a une issue possible », que « ça va s’arranger ». L’espérance s’appuie sur la foi nue, sans filet, elle s’enracine dans le cri de Jésus sur la croix « Pourquoi m’as-tu abandonné ? » qui reste une adresse, une parole proférée, ô combien, au Seul qui puisse la recevoir.

L’espérance est un acte souverainement libre, qui accepte un inconnu totalement non prévisible, non maîtrisable, absolument neuf. Elle conteste le destin qui ambitionne de tout prévoir, prédire, maîtriser.

L’espérance veut le salut de tous puisque Dieu l’a promis et que cette promesse est déjà vraie maintenant. « Si vous n’êtes pas écorché vif par la déréliction de Dieu, si vous n’êtes pas lacéré jusqu’au plus profond de vous-même par les délais de son retour, alors, inutile de jouer à l’attente et de parler d’espérance. […] Mais il vaudrait mieux ne plus parler de Jésus Christ et de toute la suite. Ce serait plus honnête. »

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