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Le Magnificat et ses fondements dans l'Ancien Testament

 

La Vierge Marie ne prend pas souvent la parole dans les Evangiles, excepté à un moment bien précis, au début de l'Evangile de Luc, où elle parle TRES longuement. Nous connaissons ce passage sous le nom de : Magnificat.

 

A travers ce texte splendide, Marie nous montre sa relation à Dieu, elle nous dévoile sa manière de prier. Elle fait preuve d'originalité dans sa prière, bien sûr. Elle trouve sa propre manière de prier, basée sur ses propres expériences passées ... mais, comme nous allons le constater ensemble, elle s’appuie aussi beaucoup sur celles de ses frères et sœurs aînés dans la foi, pour construire, bâtir le présent. Elle pose ainsi les fondations pour l’avenir, et entre autre, pour nous aujourd’hui. En effet, il ne s'agit pas d'un simple texte poussiéreux, écrit il y a plus de 2 000 ans, un texte qui n'aurait pour nous qu'un intérêt purement littéraire ou de curiosité pour ce qu'il s'est passé dans le passé. Non, ce texte est vraiment pour nous, dans le présent. Nous pouvons nous l'approprier, le faire nôtre, lui donner place dans notre vie. Nous pouvons chercher à le réaliser dans notre vie.

 

Alors entrons dans la scène, à notre tour, et observons Marie, regardons-la, nourrissons-nous de ce qu’elle nous montre et nous offre. Nourrissons notre prière de ce magnifique cadeau qu'elle nous fait de nous montrer un peu de sa relation à Dieu.

 

Et voilà l'invitation qu'elle nous lance aujourd’hui : vivre tous les jours de notre vie dans cette belle prière du Magnificat que l'Eglise nous propose régulièrement dans les lectures de la messe, tout au long de l'année et que nous prions aux vêpres chaque soir.

Que la lecture de cet article, que cette plongée dans cette belle prière du Magnificat nous incite à découvrir à notre tour notre propre manière de vivre le magnificat, nous, aujourd’hui. Découvrir quel est notre magnificat.

La prière du Magnificat et son contexte dans l'Evangile de Luc

La première étape est bien évidemment de lire ce texte, que voici : Mon cœur exulte à cause du

Seigneur ; mon front s’est relevé grâce à mon Dieu ! Face à mes ennemis, s’ouvre ma bouche : oui, je me réjouis de ton salut ! Il n’est pas de Saint pareil au Seigneur. …

 

Euh … attendez un instant … j'ai l'impression qu'il y a un problème … ça ressemble bien au

Magnificat, mais j'ai dû mélanger mes papiers, parce que … (bruit de papier froissé)

Ah ! C'est bon, je comprends mon erreur : je vous ai lu le cantique d'Anne, que l'on trouve en 1Sm 2 ! C'est vrai qu'il ressemble beaucoup au Magnificat, ma confusion est compréhensible, n'est-ce pas ?

Bon, allons-y pour le VRAI Magnificat de Marie, maintenant.

 

Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !

Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.

Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !

Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.

Il renverse les puissants de leurs trônes,il élève les humbles.

Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour, de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais. »

 

Ce texte se trouve au début de l'Evangile de Luc, juste après la visite de l'ange Gabriel à Marie pour lui annoncer qu'elle allait donner naissance à un enfant, Jésus le Fils de Dieu.

Et ensuite, après ce Magnificat, après cette belle prière de Marie, nous assistons à la naissance de Jean le Baptiste. C'est d'ailleurs pour cette raison, parce que l'arrivée de Jean Baptiste est annoncée et qu'Elisabeth est enceinte, que Marie se trouve là, dans la maison de sa cousine.

En effet, elle a entendu dire – par l'ange Gabriel - que sa vieille cousine était enceinte et elle s'est dit qu'il serait sans doute bien qu'elle aille lui donner un coup de main. Et puis peut-être aussi avait-elle le sentiment que cette naissance, cette grossesse, alors qu'Elisabeth était stérile, avait quelque chose à voir avec le Seigneur Dieu et sa propre visite de l'ange Gabriel …

Elle arrive donc à Aïn Karim, chez ses cousins, et là, il se passe quelque chose de puissant entre ces deux femmes et les deux enfants qu'elles portent.

 

Elisabeth, remplie de l'Esprit Saint, prend la parole la première pour bénir Marie et l'enfant qu'elle porte. Alors, Marie laisse à son tour jaillir l'Esprit Saint. On assiste là à un grand moment ! Un moment de joie et de jubilation, un moment d'exaltation, de louange. Marie parle peu dans les Evangiles, mais là, elle se lâche ! Et nous avons l'impression qu'elle s'adresse non pas à sa parente, qui est là juste devant elle, mais qu'elle est comme prise, saisie dans une prière qui monte vers Dieu. Elle parle de Dieu devant sa parente et le monde entier. Il s'agit plus que d'une prière, il s'agit d'un chant, d'une « proclamation » de la libération qui est sur le point de s’accomplir dans le monde. Car en effet, le Magnificat est un "chant messianique", le chant des rachetés, des libérés par Dieu.

Cela pourrait nous évoquer une autre Marie, dans l'Ancien Testament : la sœur de Moïse, Myriam, la prophétesse de la libération et de l'exode qui entraîne les femmes Israélites "en chœurs de danses" et mène le chant et la danse avec le "tambourin à la main" (Ex 15,20-21).

Du reste, il ne serait pas étrange, dans le contexte de la culture juive de l'époque, que Marie ait vraiment dansé pendant son Magnificat.

 

Elle est belle, cette prière, je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Mais vous savez, elle n'est pas apparue comme ça, pouf, dans le cœur de Marie. Non, elle est le fruit, le résultat de la fréquentation assidue de Marie avec les Écritures. Le fruit de sa méditation des textes qui rythment la vie de foi du peuple à cette époque.

 

La prière du Magnificat et ses parallèles dans l'Ancien Testament

Nous entendons dans le Magnificat l'écho de nombreux versets de l'Ancien Testament. Je vous propose maintenant de relire ce texte, pas après pas, d'essayer de le comprendre et de le commenter, puis de chercher les textes de l'Ancien Testament que cela nous évoque.

 

Lc 1,46-47 : Mon âme exalte le Seigneur, exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur !

Eh bien, ça démarre fort ! Il y a une espèce de puissance, de force et d'élan dans ce verset. Marie nous livre sans détour sa relation avec Dieu.

Il est d'abord question de mon âme (psuché en grec) et mon esprit (pneuma) : presque synonymes ici, ce sont des substituts sémitiques pour le pronom « je ». Dans le Magnificat, Marie se réfère à elle-même cinq fois, même si elle se voit cependant toute centrée dans le Seigneur et non pas en elle-même : sa joie est "en Dieu."

 

Marie parle donc d'elle, en disant que son âme exalte quelqu’un, autrement dit loue quelqu'un. Exalter, c'est faire de grands éloges de quelqu'un, d'une action, d'une qualité. C'est célébrer les mérites de quelqu'un qui nous inspire de l'enthousiasme, qui nous enflamme, nous transporte. Le verbe grec traduit par exalte est formé de la racine qui signifie « grandeur » : ce thème traverse tout le cantique qui chante les grandes choses faites par Dieu (v 49), grandes choses qui ne concernent pas seulement Marie mais tout le peuple.

 

Alors ici, dans ce Magnificat, de qui s'agit-il ? L'âme de Marie exalte qui ? Son esprit exulte pour quoi, pourquoi ? La réponse jaillit, claire et limpide : Dieu. L'âme de Marie exalte Dieu. Elle l'appelle Le Seigneur, Dieu mon Sauveur. Trois noms de Dieu dans cette seule phrase. Dieu est Seigneur et Sauveur. Or le chiffre 3 est le signe de l'action de Dieu, le signe que Dieu agit, dans cette situation précise.

 

Ensuite, il y a comme un jaillissement de joie : l'esprit de Marie exulte. Exulter, c’est plus qu'éprouver de la joie. C’est tressaillir, en trembler, c’est comme être saisi par la joie.

Exulte mon esprit en Dieu, mon Sauveur ! Avons-nous déjà vécu cette expérience ? Si tel n’est pas le cas, c’est le moment de demander à Marie, aujourd'hui même, de la vivre. Pour à  notre tour exalter le Seigneur et exulter de joie en lui et à cause de lui.

 

Ses fondements dans l'Ancien Testament : exemples d'Is 61,10 et Ha 3,18

Marie n'est pas la première à exulter dans le Seigneur. Le prophète Isaïe, lorsqu'il raconte son appel et sa mission en Is 61,1 (L'Esprit du Seigneur est sur moi, il m'a consacré …), en vient quelques versets après à exprimer son exultation, sa joie incroyable :

Je tressaille de joie (litt. : « je tressaille, je tressaille » hébraïsme) dans le Seigneur, mon âme exulte en mon Dieu. Car il m’a vêtue des vêtements du salut, il m’a couverte du manteau de la justice, comme le jeune marié orné du diadème, la jeune mariée que parent ses joyaux.

Le prophète compare cette joie et cette exultation à la relation de jeunes époux, quand tout est neuf, quand le sentiment amoureux est le plus fort, le plus nouveau et qu'il remplit de joie, du bonheur d'aimer et d'être aimé.

Et ici, c’est exulter EN Dieu. Comme dans le Magnificat.

 

Il en est de même pour le prophète Habaquq qui dans sa prière s'exclame : Et moi, je bondis de joie dans le Seigneur, j’exulte en Dieu, mon Sauveur !

Ce chapitre 3 d'Habaquq est un psaume qui conclut sur une note de confiance le dialogue entre Habaquq et Dieu.

 

Cette exultation dans le Seigneur, nous pouvons donc la vivre, comme Isaïe, lorsque nous répondons à l'appel du Seigneur et que nous nous investissons dans la mission qu'il nous confie, lorsque nous nous ajustons à la Volonté du Seigneur pour nos vies. Et nous pouvons la vivre aussi, comme Habaquq, lorsque nous prions et disons à Dieu notre confiance et notre amour.

 

Ce premier verset du Magnificat, plongeant ses racines dans la prière de deux prophètes, Isaïe et Habaquq, constitue une introduction qui donne à tout le cantique un ton de joie et de louange.

 

Lc 1,48 : Il s’est penché sur son humble servante ; désormais tous les âges me diront bienheureuse.

Dans le premier verset, Marie était sujet des verbes employés, et Dieu était l’objet de sa louange. Ici Dieu est le sujet des verbes. Ce verset met en scène un mouvement du haut (Dieu) vers le bas. Du père vers son enfant. Dieu n’est pas un Dieu lointain, mais un Dieu qui se penche, un Dieu qui se fait proche, qui nous regarde.

 

Prenons le temps de nous arrêter sur l'expression humble servante. En fait, la traduction exacte est l’humiliation de son esclave. Les mots sont puissants et nous ne sommes peut-être pas très à l'aise avec. Qui voudrait être humilié ? Qui voudrait être esclave de quelqu'un ? Honnêtement, moi, pas ! Sauf peut-être si Dieu fait partie de l'équation.

 

Intéressons-nous tout d'abord à la notion d'esclave.

Qu'est-ce que « l'esclavage »?

Dans son sens premier et général, tel qu'on le connaît,  l'esclavage est la condition d'un individu privé de sa liberté, qui devient la propriété d'une autre personne, exploitable et négociable comme un bien matériel.

Bref, l’esclavage est une réalité horrible !

Mais là, dans ces textes bibliques, il s'agit de l'esclavage du point de vue de la vie spirituelle. Pour essayer d'en cerner un peu le sens, nous allons demander de l'aide à un grand saint : Louis Marie Grignon de Montfort, spécialiste de l'esclavage à Marie !

 

Selon Louis Marie, il existe  trois sortes d'esclavage :

Le premier est l'esclavage de la nature; les hommes bons et mauvais sont esclaves de Dieu en cette manière. Le second, c'est l'esclavage de contrainte; les démons et les damnés sont les esclaves de Dieu en cette manière. Le troisième, c'est l'esclavage d'amour et de volonté; et c'est celui par lequel nous devons nous consacrer à Dieu par Marie, de la manière la plus parfaite dont une créature se puisse servir pour se donner à son Créateur. (Secret de Marie, 32)

 

Voilà pour ce qui est de l'esclavage. Quant à l'humiliation

Le terme utilisé, en grec, est tapeinosis (humiliation, affliction). Sur les 40 fois où ce mot apparaît dans la Septante (l'Ancien Testament en grec), il est lié à 14 reprises au verbe « voir », et a Dieu pour sujet. Nous trouvons ce terme par exemple dans l'épisode de Léa humilié par Rachel: Le Seigneur a regardé mon humiliation (Gn 29,32), ou encore Jacob exploité par Laban: Dieu a regardé ma détresse (tapeínosis) et ma peine (Gen 31,42). Il est aussi employé pour Anne, stérile et humiliée:

Oui en vérité tu regarderas l'humiliation de ta servante (1Sm 1,11) ou pour Israël dans son credo : Le Seigneur a regardé notre misère (tapeinosis) (Dt 26,6-7), etc.

 

Le sens est clair : Dieu s'incline sur le misérable, il est attentif au faible, il se met du côté du pauvre. « Regarder l’humilité » est expression de la compassion divine vers la misère de l'humanité. Dieu a un regard de miséricorde pour les délaissés. Et il exprime aussi ainsi sa volonté de libération. En effet, le « regard » de Dieu est souvent accompagné d’une action libératrice :

J'ai vu la misère de mon peuple.... je suis descendu pour le libérer. (Exode 3,7-8) ou encore Le Seigneur s'est montré du haut de son sanctuaire, du ciel il a regardé la terre, pour écouter le gémissement du prisonnier, pour libérer les condamnés à la mort. (Ps 102,20s)

 

Marie, dans le Magnificat, confesse que Dieu a regardé son humilité, son humiliation. Le Seigneur l’a choisie parce qu'elle était pauvre et humiliée (entre autre). En disant ceci, Marie s'insère dans une lignée d'humiliés, et peut-être particulièrement deux femmes dont nous allons parler à présent.

Fondements de ce verset du Magnificat dans l'Ancien Testament : deux exemples concernant l'humiliation, Agar et Anne

 -Agar (Gn 16,11) :

Dieu avait fait à Abraham et Sarah la promesse que, bien qu’ils soient avancés en âge, il leur donnerait un fils, une famille aussi nombreuse que les étoiles dans le ciel. Il s'agit d'une belle et grande promesse, surtout pour deux personnes d'un certain âge tristes de ne pas avoir de descendance. Ils sont restés longtemps accrochés à cette promesse, attendant et espérant. Pourtant … rien ne vint.

Alors, après de longues années d’attente, Sarah décida de prendre les choses en main et d’offrir sa servante, Agar, à son mari, afin que celle-ci porte l’enfant à sa place. Pour être honnête, cette attitude n'était pas géniale ! Au lieu de venir à Dieu dans son impuissance et d’attendre l’accomplissement de la promesse, elle a cherché à reprendre le contrôle de la situation et a opté pour une solution plutôt étrange. Ce fut certainement une décision difficile, d'ailleurs. Elle eût sans doute une grande lutte intérieure avant de faire cette proposition à son mari et à sa servante.

Surtout que le plan de Dieu allait s'accomplir : quelques temps plus tard, il donna un fils, Isaac, à Sarah et Abraham.

Mais en attendant, Agar est tombée enceinte et méprise alors Sarah, qui – pour ne pas être en reste … - la maltraite en retour. Pour échapper à la violence de sa maîtresse, Agar fuit donc dans le désert, où un ange la trouve, lui dit de rentrer et d'obéir à Sarah. Il lui prédit une descendance nombreuse et lui dit d'appeler son fils Ismaël car Dieu a entendu son humiliation. Voici le verset en question : L’ange du Seigneur lui dit : « Tu es enceinte, tu vas enfanter un fils, et tu lui donneras le nom d’Ismaël (c’est-à-dire : Dieu entend), car le Seigneur t’a entendue dans ton humiliation. » (Gn 16,11)

 -Anne ( 1Sm 1,11) :

Au début de 1 Samuel, nous faisons la connaissance d'une famille : Elqana et ses deux épouses, Peninna et Anne.

Anne était stérile. Or, dans la société hébraïque ancienne, c’était un devoir et une responsabilité pour toute femme de se marier et de concevoir un fils à son mari pour perpétuer la lignée familiale. Avoir une descendance était considéré comme une bénédiction de Dieu, et si la conception échouait, la femme devait se résoudre au divorce et faire face au rejet de la société.

Anne était consciente de cette dure réalité et elle était malheureuse. Lorsqu’elle sortait, elle sentait le regard des femmes sur elle et leurs commérages lui faisaient mal. D’autres femmes qui avaient des enfants l'évitaient, car pour elles le fait qu'elle soit stérile signifiait qu'elle portait en elle une malédiction de Dieu.

Mais ce qui faisait encore plus souffrir Anne, c'était que Peninna était mère de  fils et de filles. Ceci étant, Elqana avait une préférence pour Anne. Celle-ci se savait aimée de son mari, mais cela ne suffisait pas pour soulager sa souffrance morale. Dieu l’avait rendue stérile et Dieu seul était en mesure de la rendre féconde. Anne le savait. Alors, elle a crié vers lui. Cela se passait un jour où Elqana était allé offrir un sacrifice au Temple.

 

1Sm 4 Un jour, Elcana offrait le sacrifice ; il distribua des parts de la victime à sa femme Peninna, à tous ses fils et à toutes ses filles. 5 Mais à Anne, il donna une part de choix car il aimait Anne, que pourtant le Seigneur avait rendue stérile. 6Sa rivale cherchait, par des paroles blessantes, à la mettre en colère parce que le Seigneur l’avait rendue stérile. 7 Cela recommençait tous les ans, quand Anne montait au sanctuaire du Seigneur : Peninna cherchait à la mettre en colère. Anne pleura et ne voulut rien manger. 8Son mari Elcana lui dit : « Anne, pourquoi pleures-tu ? Pourquoi ne manges-tu pas ? Pourquoi ton cœur est-il triste ? Et moi, est-ce que je ne compte pas à tes yeux plus que dix fils ? »

Toutes ces paroles et ces questions la faisaient souffrir encore davantage, elle ne pouvait plus supporter cette situation, c’était trop dur !

Imaginez un peu : toute la famille était réunie autour de la table, tout le monde était joyeux. Une fois le repas terminé, peut-être que Peninna s'était assise dans un coin pour allaiter le petit dernier tandis qu'Elqana s’amusait avec les plus grands. Anne devait éprouver un profond sentiment de solitude au milieu d’eux, se sentant comme étrangère dans sa propre famille. Mais ce qui la marquait le plus, c'est qu'elle désirait tant serrer un enfant à elle dans ses bras !

Alors elle se leva et elle partit se réfugier dans le temple pour discuter un peu avec le Seigneur. C’est là, en tête à tête avec son Dieu, qu’elle vide son cœur. Dieu seul peut combler le vide qu’elle ressent, lui seul peut la réconforter.

 

Elle fit un vœu en disant : Seigneur de l’univers, si tu veux bien regarder l’humiliation de ta servante, te souvenir de moi, ne pas oublier ta servante, et donner un fils à ta servante, je le donnerai au Seigneur pour toute sa vie, et le rasoir ne passera pas sur sa tête.

 

Pendant qu’elle priait ainsi, elle parlait dans son cœur et aucune parole ne sortait de sa bouche. Le prêtre Eli, qui se trouvait dans le temple, l’observait  et il crut qu’elle était ivre ! Il lui dit : Jusques à quand seras-tu dans l’ivresse ? Fais passer ton vin.

Anne fut blessée par cette parole, elle qui n’avait ni mangé ni bu au cours du repas !

Elle lui répondit : « Non, mon seigneur, je ne suis qu’une femme affligée, je n’ai bu ni vin ni boisson forte ; j’épanche mon âme devant le Seigneur. Ne prends pas ta servante pour une vaurienne : c’est l’excès de mon chagrin et de mon dépit qui m’a fait prier aussi longtemps. »

Eli, sûrement confus de lui avoir parlé aussi durement, lui adressa une parole de réconfort.

« Va en paix, et que le Dieu d’Israël t’accorde ce que tu lui as demandé. »

Surprise et encouragée par cette parole, elle répondit : Que ta servante trouve grâce à tes yeux ! Quelque mois après, Anne se trouva enceinte. Elle mit au monde un fils et le nomma Samuel, ce qui signifie « Dieu a exaucé » car, dit-elle: « Je l’ai demandé au Seigneur. »

Dieu a entendu le cri d'Anne. Il a vu son humiliation, et au moment choisi par Lui, elle s’est trouvée enceinte. Par la suite, Anne a donné à Dieu son premier enfant ; de son côté, Dieu lui en donna ensuite cinq autres !

Dans ce récit, nous voyons que Dieu a laissé Anne stérile de nombreuses années. Parfois Dieu ne répond pas à nos prières aussi vite que nous le souhaiterions, ou de la manière que nous espérons. Nous sommes souvent impatients et voudrions une réponse immédiate ! Agissons comme Anne, allons épancher notre cœur devant le Seigneur, avec confiance : il nous entend !

 

Revenons au Magnificat : comme en conséquence de ce regard de Dieu, de ce Dieu qui se penche, il y a la promesse de cette fin de verset, tous les âges me diront bienheureuse.

 Fondements de cette expression dans l'Ancien Testament : Gn 30,13

Ce verset 13 de la Genèse est tiré, une nouvelle fois, d'une histoire de « rivalité » entre femmes, comme avec Sarah et Agar. Deux générations plus tard, nous croisons Jacob, fils d'Isaac, petit-fils d'Abraham. Ce Jacob a deux épouses, Léa et Rachel. Il n’était pas prévu qu’il épouse Léa, au départ. Il devait travailler chez Laban, le père des deux femmes, pour ensuite recevoir Rachel, dont il était tombé amoureux, comme épouse.

Mais Laban a trompé Jacob et lui a donné l’aînée au lieu de la cadette. Léa au lieu de Rachel.

Finalement, Jacob travaillera encore 7 années pour Laban, pour pouvoir épouser aussi Rachel. Cependant, il y a un problème : cette dernière est stérile. Par contre, Léa, la mal aimée, est particulièrement bénie de Dieu qui lui donna quatre garçons.

Un peu désespérée, et décidée à prendre les choses en mains, Rachel donna sa servante à Jacob pour avoir des enfants. Par la suite Léa fit de même avec la sienne, Zilpa. C’est le verset qui nous occupe : Zilpa, la servante de Léa, enfanta un second fils à Jacob. Léa dit : « Quel bonheur pour moi ! Les filles me proclament bienheureuse ! » Et elle appela l’enfant Asher.

 

Vous remarquerez qu'ici, ce sont « les filles » et non « les générations » dont il est question. Le choix du nom d'Asher n'est pas innocent non plus : il signifie heureux, bienheureux.

Marie se situe dans la lignée de ces femmes : Anne, Sara, Agar, Léa, Zilpa … leurs histoires ont nourri sa vie, sa prière, sa méditation. Il semble donc presque normal que Marie s'approprie leurs mots pour partager sa propre expérience.

Lc 1,49 : Le Puissant fit pour moi des merveilles ; Saint est son nom !

Comme cela arrive souvent en hébreu, l’adjectif simple précédé de l’article, le Puissant, est l’équivalent d’un superlatif. Il serait donc plus juste de lire le Très Puissant ou le Tout Puissant.

 

Nous l'avons déjà évoqué rapidement tout à l'heure, il s'agit là d'un autre Nom de Dieu, une autre manière d'appeler Dieu. Les psalmistes appellent souvent Dieu « puissant », surtout dans des contextes liturgiques (Ps 24(23),8) ou en rapport avec la fidélité constante du Seigneur à l'alliance davidique (Ps 89(88),8)

En outre, dans cette prière du Magnificat, le Puissant est appelé saint. Il s'agit là encore d'un trait distinctif de l'Ancien Testament, cette révélation qu'un Dieu très saint est présent à l'humanité et la sauve.

Ceci étant, vous aurez remarqué que ce n'est pas Dieu qui est saint, ce n'est pas le Puissant qui est appelé saint, mais son Nom : son Nom est Saint !

Et ce Puissant, ce Dieu de miséricorde ne s'est pas contenté de regarder l'humiliation de sa servante, de son esclave. Il a agi, il a fait pour elle de grandes choses, des merveilles ! Dieu regarde l’humiliation, il se penche sur l'humilié et comme en conséquence, il agit.

Fondement proposé  : Ps 111(110),9 :

Marie, imprégnée par la prière des psaumes, cite ici un verset très proche du psaume 111 : Il apporte la délivrance à son peuple ; son alliance est promulguée pour toujours : saint et redoutable est son nom.

 

Le reste du psaume parle des œuvres grandes que le Seigneur accomplit pour nous, de sa justice et de ses merveilles : il a donné des vivres à ses fidèles, gardant toujours mémoire de son alliance. Il a aussi montré sa force à son peuple, lui donnant le domaine des nations ...

Cependant, dans ce psaume, il s'agit de ce qu'il accomplit « pour nous », ses fidèles, tandis que l'originalité de Marie, dans le Magnificat, c'est qu'elle dit « pour moi ».

 

Lc 1,50 : Sa miséricorde s’étend d’âge en âge sur ceux qui le craignent.

Dans la suite du Magnificat, Marie continue à décrire Dieu et son action. Elle évoque sa miséricorde pour les âges des âges, pour les générations des générations. Ah ! Tiens ! Tout à l’heure, il n’y avait qu’un « génération »! La prière s'ouvre à une plus grande universalité, à une abondance.

 

Dans ce verset 50, personnellement, je me suis arrêtée pour méditer sur le verbe « s'étendre ». Je vois un peu ça comme un voile que Dieu étendrait sur nous et qui recouvrirait TOUT. Une belle promesse !

Mais il y a deux autres termes essentiels, aussi, dans ce verset : la miséricorde et la crainte du Seigneur. Nous allons en dire quelques mots.

 

Qu’est-ce que la « miséricorde » ?

Deux idées reçues ...

-Aujourd’hui, nous associons volontiers et fréquemment la miséricorde à la question du pardon, ce qui est trop réducteur.

-De la même manière, nous avons tendance à restreindre au Nouveau Testament, en excluant l’Ancien, la révélation du Dieu qui est amour, miséricorde et bonté. Dieu serait coléreux dans l’Ancien Testament, et amour et miséricorde dans le Nouveau …

 

… et quelques éléments de réponse à ces idées reçues

Le fait est que la miséricorde de Dieu est présente dès les toutes premières pages de la Bible. Tout au long des livres de l’Ancien Testament, la miséricorde du Seigneur est présentée comme le motif fondamental de toutes les interventions de Dieu dans la vie de son peuple. Les effets de cette miséricorde de Dieu pour son peuple sont décrits, par exemple, dans le récit de la vocation de Moïse au début du livre de l’Exode (3,1ss). Nous y lisons que le Seigneur est celui qui voit la misère de son peuple, celui qui entend ses cris, celui qui connaît son angoisse, celui qui s’engage à le délivrer de ses oppresseurs et à lui donner une terre où ruissellent le lait et le miel. Du début à la fin, Dieu manifeste sa miséricorde envers la misère humaine ; et à leur tour, imitant Dieu, hommes et femmes sont invités à se montrer miséricordieux envers leur prochain, envers leur voisin.

 

Mais finalement, qu’est-ce que la miséricorde ? Comment pourrions-nous essayer de la définir ? Il pourrait s’agir d’une part de sensibilité, de réaction devant la souffrance humaine … mais cela rejoint un peu trop la notion de compassion. Or, ces deux réalités sont différentes.

Il pourrait s’agir aussi d’envisager la miséricorde comme source du pardon, nous le disions. Il pourrait s’agir enfin - et cela semble plus juste - d’envisager la miséricorde surtout comme une attitude de vie, une manière d’être. Une attitude profonde à l’égard des autres, et l’attitude de Dieu à notre égard, …

Pour moi, la miséricorde n’est pas un acte ponctuel, mais une manière d’être, une manière d’accueillir l’autre. C’est en quelque sorte porter un regard neuf sur la personne au présent, et ainsi l’accueillir telle qu’elle est.

Plus qu’une action ponctuelle, pour moi, c’est une manière de vivre.

 

En plongeant dans la Bible, j’ai fait une découverte intéressante concernant la racine hébraïque utilisée pour dire « miséricorde », la racine rhm. Il se trouve qu'elle signifie deux choses en hébreu :

-la matrice, l'utérus ou le sein maternel. Bref, le lieu où naît la vie, où grandit la vie. En hébreu, rechem

-la miséricorde, la tendresse. En hébreu, rachamim.

Nous retrouvons dans ces deux mots les trois lettres de la racine : resh, het et mem.

 

A ce moment-là, j'ai eu comme un vertige. Vous savez, cette impression que l'on éprouve lorsque, du haut d'un promontoire, on jette les yeux sur la mer immense. Eh bien, j'ai ressenti la même impression lorsque, du haut de la Parole du Seigneur, comme du sommet d'une montagne, j'ai regardé cette profondeur insondable des pensées divines. Et voici ce que j'ai réalisé : si je mets en lien les deux sens de cette racine, je peux en conclure que là où la vie naît et grandit, autrement dit le sein maternel, c’est là le lieu de la miséricorde.

De même, lorsque nous renversons la phrase et que nous l'appliquons à Dieu, il est possible de dire que le lieu par excellence de la miséricorde, de l’amour, c’est le sein maternel de Dieu, c’est le ventre de Dieu. Autrement dit, le lieu où l’on vit la tendresse et la miséricorde (quelque soit ce lieu) devient le sein maternel de Dieu, les entrailles de Dieu, là où Dieu nous donne la vie.

 

Quand nous sommes, quand nous vivons dans la tendresse et la miséricorde, Dieu est en train de donner la vie, nous sommes dans son sein maternel.

N'est-ce pas fantastique ? Alors n'hésitons plus ! Créons et construisons, toujours, là où nous sommes, partout où nous allons et jour après jour, des lieux de tendresse et de miséricorde pour, avec Dieu, donner la vie.

Quant à cette expression du verset à ceux qui le craignent , étant donné que Marie est née juive, je vous propose de laisser un Juif, Abraham Hechel, en parler.

Selon lui – et selon moi aussi, d'ailleurs ! Je suis d'accord avec lui -, la crainte n’est pas la peur, mais l’intuition de la dignité de toutes choses, une intuition du fait qu’elles sont forcément précieuses à Dieu. Elle est une manière de se mettre en relation avec le mystère.

La crainte, à l’inverse de la peur, ne nous inspire aucune répulsion pour l’objet qui l’a suscitée, mais au contraire nous rapproche de lui.

Ainsi entendue, la crainte cesse de paraître incompatible avec l’amour et la joie. En un sens, même, la crainte est l’antithèse de la peur. (Shabbat 31 b.)

 

En complément, j'ajouterai juste que, pour moi, la crainte du Seigneur n'est rien d'autre qu'un profond respect amoureux et confiant envers ce Dieu qui est si grand. C'est comme si nous nous exclamions, en le voyant : « ouah ! Qu'il est grand ! Je suis impressionné ! »

Les fondements de ce verset dans l'Ancien Testament : Ps 103(102),17

Parmi les renvois possibles à l'Ancien Testament, nous pourrions citer le psaume 103, ce psaume qui commence par Bénis le Seigneur, ô mon âme et qui enchaînent sur toutes les raisons que nous avons de le bénir.

Au verset 17, ce psaume dit : Mais la miséricorde du Seigneur, sur ceux qui le craignent, est de toujours à toujours, et sa justice pour les enfants de leurs enfants.

Le verset suivant continue sur ce thème en affirmant que la Puissance du Seigneur ne s'exerce plus en faveur de ceux qui le craignent, mais plutôt contre ceux qui ne le craignent pas.

 

Lc 1,51 : Déployant la force de son bras, il disperse les superbes.

Littéralement, il a fait de la force (cratos), c’est-à-dire des exploits, des prouesses avec son bras.

Nous évoquions sa Puissance au verset 49. Eh bien là, Marie continue de détailler cette Puissance.

Dieu fit force par son bras. Il montra sa force. Ce verset évoque les grandes œuvres de l'Exode (Ex 6,6 / Dt 4,34 / Dt 10,21) célébrées aussi par les psalmistes (Ps 89,11)

Il disperse les superbes, les cœurs orgueilleux. De façon répétée, essentiellement dans la tradition rabbinique, les superbes indiquent les païens qui ne glorifient pas le Seigneur et tourmentent son peuple. Pharaon en est le symbole et le prototype.

Spontanément, en lisant ce bout de verset, j'ai pensé à l'épisode de la tour de Babel, en Gn 11. Les hommes, orgueilleux, ont cherché à faire la tour la plus haute, dans le but d'atteindre le ciel et de devenir comme des dieux. Alors, Dieu a embrouillé leur langage. Il les a dispersé pour qu'ils ne puissent mener à son terme leur projet d'être comme des dieux.

Fondements dans l'Ancien Testament : Ps 89(88),11

Marie se réfère de nouveau à un psaume : C'est toi qui piétinas la dépouille de Rahab ; par la force de ton bras, tu dispersas tes ennemis.

 

Nous pourrions nous demander de quel Rahab il s'agit, ici. Après quelques recherches, j'ai trouvé qu'il s'agissait de Rahab, le monstre marin mythique. C’est aussi le nom emblématique de l’Egypte : ce monstre marin représente l’Egypte.

 

Nous retrouvons les mots de vocabulaire de manière presque identique (la force, le bras, disperser), excepté sur un point : dans le Magnificat, il est question des superbes, tandis que dans ce psaume, le psalmiste évoque les ennemis. Si je devais risquer une interprétation de cette différence dans le vocabulaire, je pourrais en arriver à la conclusion que lorsque l'on fait partie des superbes, des orgueilleux, on est les ennemis de Dieu, on est coupé de Dieu, on s'éloigne de Dieu.

 

Lc 1,52 : Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles.

Nous assistons là à un renversement de situation : Dieu fait tomber les souverains des trônes et élève les humbles, les humiliés. L'emploi du mot « humilié », ici, est volontaire : il s'agit du même mot que pour le verset 48. Est « humble » (ou humilié) celui qui adhère de tout son cœur au Seigneur, obéit à la Loi et refuse de s'opposer à la volonté divine.

 

Une ouverture à l'universalité s'effectue peu à peu : la même action que Dieu accomplit en sa servante se déploie dans le monde.

Les humiliés (v 52) font écho à Marie (v 48) dont Dieu a regardé l’humilité.

Les puissants (v 52) s'opposent à Dieu le Puissant (v 49) dont ils usurpent le pouvoir en refusant leur condition de créature.

Les superbes (v 51) s’opposent à « ceux qui le craignent » et qui vivent de « la miséricorde » de Dieu (v 50).

Les fondements de ce verset : Si 10,14-15 et 1Sm 2,7

-Si 10,14 : Le Seigneur a renversé le trône des puissants et fait asseoir à leur place les doux. Le Seigneur a déraciné les orgueilleux et a planté à leur place les humbles (Sir 10,14-15). Ce verset fait partie d’une série de proverbes sur les chefs, les rois, les gouvernants.

 -1Sm 2,7 : Le Seigneur rend pauvre et riche ; il abaisse et il élève. Ce verset est issu de la prière d'Anne, dont nous avons déjà parlé. Et il évoque déjà le verset suivant du Magnificat.

 

Lc 1,53 : Il comble de biens les affamés, renvoie les riches les mains vides.

Marie proclame la révolution de Dieu. Et elle utilise ici encore le langage de l’Ancien Testament, laissant transparaître déjà des caractéristiques du messie attendu : il comble de biens ceux qui ont faim, il renvoie les riches les mains vides.

 

Dans cette dernière partie du verset, il s'agit d'une critique de certains riches. En effet, selon la vision des prophètes, les riches dont il est question et qui sont fustigés par la Bible sont ceux qui ont accumulé des richesses en exploitant les faibles, et en créant une masse d'affamés, de gens déshérités et sans droits.

Citons par exemple le prophète Jérémie : Ils sont gras, ils sont reluisants, ils ont même passé la mesure du mal: ils ne respectent pas le droit, le droit des orphelins, pourtant ils réussissent! (Jér 5, 28)

 

Bien sûr, ce n’est pas Dieu lui-même qui « renvoie les riches les mains vides » ! Non, telle est la conséquence de leur propre attitude, de leurs propres choix. Ne s'intéressant qu'à l'accroissement de leurs richesses, ils en viennent à ne plus vivre les valeurs morales les plus simples – l'amour, l'attention à l'autre, le respect de l'autre, … -, se détournant ainsi de Dieu, qui est le premier à s’en désoler, car il veut notre bien.

Fondements dans l'Ancien Testament  : Ps 107,9 et  Ps 34(33),11

-Ps 107,9. Ce psaume ne cite que la première partie du verset du Magnificat : car il étanche leur soif, il comble de biens les affamés !

C'est un psaume qui commence par : Rendez grâce au Seigneur : Il est bon ! Éternel est son amour ! et décline ensuite toutes les raisons que nous avons de rendre grâce au Seigneur.

 

-Bien sûr, il existe d'autres influences pour ce verset du Magnificat, entre autre le Ps 34(33),11 qui, lui, cite plutôt les riches. Des riches ont tout perdu, ils ont faim ; qui cherche le Seigneur ne manquera d'aucun bien.

Ce psaume commence par : Je bénirai le Seigneur en tout temps, sa louange sans cesse à mes lèvres et décline lui aussi les raisons que nous avons de bénir le Seigneur !

 

Lc 1,54 : Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour,

-La notion de Serviteur est fondamentale pour comprendre l'Histoire du Salut. En effet, dans l'histoire, le Seigneur n'agit pas de manière directe et immédiate. Son habitude est d’utiliser des « médiateurs ». Ils sont ses émissaires ou ses ambassadeurs, les exécutants de sa volonté. Les grands personnages de l'Ancien Testament, par exemple, sont ces serviteurs : Abraham (Gn 26,24) et les autres Patriarches, ou bien Moïse (Ex 14,31; Jos 1,1). Il en est de même pour David (2Sm 7,8) et pour les prophètes (2R 9,7)

Dans la Bible, le serviteur paraît comme un instrument du bras puissant du Seigneur. Par exemple, la libération de l'exode passe en particulier par Moïse.

Serviteur, cependant, reste aussi un titre d'humilité, parce qu'il indique que l'on reste au service d'un plus haut que soi, à qui on devra rendre compte de sa mission.

 

C’est dans ce sens que l'on parle, dans le Magnificat, du peuple d'Israël comme d’un « serviteur » qui agit pour tous les peuples de la terre.

 

-Il se souvient de son amour : souvent dans la Bible il est question de Dieu qui se souvient, qui fait mémoire. Dieu se souvient de son alliance, il se souvient de son amour. Même – voire surtout ! - quand le peuple se détourne de lui, quand il commet des erreurs, Dieu veut se souvenir de son amour, de l'amour qu'il a pour ce peuple, pour chacun d'entre nous.

Fondements dans l'Ancien Testament :

 Is 41, 8-10 :

Tout d'abord la phrase il relève Israël son serviteur trouve un écho particulier dans le livre d'Isaïe : Toi, Israël, mon serviteur, Jacob que j’ai choisi, descendance d’Abraham mon ami : aux extrémités de la terre je t’ai saisi, du bout du monde je t’ai appelé ; je t’ai dit : Tu es mon serviteur, je t’ai choisi, je ne t’ai pas rejeté. Ne crains pas : je suis avec toi ; ne sois pas troublé : je suis ton Dieu. Je t’affermis ; oui, je t’aide, je te soutiens de ma main victorieuse.

 

Dans ce passage, Dieu s'adresse directement à Israël pour lui dire un certain nombre de choses : il lui dit de ne pas avoir peur, qu'il sera avec lui contre ses ennemis. Il lui dit aussi : Je t'ai choisi une fois, je ne reviendrai pas sur ma parole. Vous vous rendez compte quelle espérance et quelle promesse sont présents dans cette simple phrase ?

Ps 98,3

Quant à la phrase il se souvient de son amour, elle évoque le psaume 98, verset 3 : il s'est rappelé sa fidélité, son amour, en faveur de la maison d'Israël ; la terre tout entière a vu la victoire de notre Dieu.

Il s'agit d'un psaume de louange, un psaume qui invite à chanter la gloire et la grandeur du Seigneur : Chantez au Seigneur un chant nouveau

Lc 1,55 de la promesse faite à nos pères, en faveur d’Abraham et sa descendance à jamais.

Les deux derniers versets forment une conclusion où s’apaise le combat de Dieu contre les oppresseurs. Il n'est plus question de ces derniers, on ne mentionne plus que Dieu et son serviteur Israël que rien ne sépare, tout comme, au début du Magnificat, on ne mentionnait que Dieu et son humble servante.

Israël y est ici désigné sous le vocable Abraham et sa

descendance, vocable qui se prête à une interprétation spirituelle plus universelle.

Fondements dans l'Ancien Testament : Gn 12,3

Je bénirai ceux qui te béniront ; celui qui te maudira, je le réprouverai. En toi seront bénies toutes les familles de la terre.

 

Encore une promesse ! Le Seigneur est vraiment celui qui fait des promesses. Mais aussi celui qui

TIENT ses promesses ! Si nous reprenons un peu le contexte de cette phrase prononcée par le Seigneur, nous sommes replongés dans la Genèse, et plus particulièrement dans la vie d'Abraham, un homme marié, sans enfants, à qui le Seigneur dit : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai. Je ferai de toi une grande nation, je te bénirai, je rendrai grand ton nom, et tu deviendras une bénédiction. »

 

Alors, Abraham est parti, emmenant toute sa maisonnée, ainsi que celle de son neveu Loth. Il a fait confiance à la promesse du Seigneur, quittant tout ce qui faisait sa vie juste en se fiant à cette promesse. Un pari un peu fou … un pari que le Seigneur a demandé à Marie de faire, à son tour. Par l'ange Gabriel, il lui a fait une promesse, Marie a choisi de dire oui. Et elle s'appuie sur cette expérience de foi d'Abraham pour grandir elle-même encore davantage dans la confiance en Dieu. C'est un peu comme si elle nous disait : Oui, Dieu m'a fait une promesse complètement … surprenante. Oui j'ai choisi de croire en cette promesse et de m'appuyer sur elle pour vivre, tout comme Abraham l'avait fait au début de l'histoire du Salut.

 

Et nous ? Et toi ? Et moi ? Suite à Abraham, à Marie et à tant d'autres, saurons-nous saisir cette promesse du Seigneur et proclamer à notre tour notre propre Magnificat ?

Nous l'entendons au moment de l'Annonciation (Lc 1,26 et suivants), ou encore lorsque Jésus a fait sa fugue et est resté à Jérusalem alors que ses parents étaient repartis à Nazareth (Lc 2,48). Enfin, elle parle aussi lors du mariage à Cana, le premier signe accompli par Jésus (Jn 2,3-5).

Nous rencontrerons un autre nom de Dieu un peu plus tard, au v.49 : le Puissant

Là, il ne s'agit pas du mot esclave, mais du mot grec pais, dont le premier sens est « enfant »

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