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Daniel

Méditation

Le cerf, dans cette fable de La Fontaine, commet l’erreur de ne pas respecter ce qui l’a sauvé, en l’occurrence, une vigne. Il est puni comme le roi Balthazar.

LE CERF ET LA VIGNE

Un Cerf, à la faveur d'une Vigne fort haute
Et telle qu'on en voit en de certains climats,
S'étant mis à couvert, et sauvé du trépas,
Les Veneurs pour ce coup croyaient leurs Chiens en faute.
Ils les rappellent donc. Le Cerf hors de danger
Broute sa bienfaitrice ; ingratitude extrême ;
On l'entend, on retourne, on le fait déloger,

Il vient mourir en ce lieu même.

J'ai mérité, dit-il, ce juste châtiment :
Profitez-en, ingrats. Il tombe en ce moment.
La Meute en fait curée. Il lui fut inutile
De pleurer aux Veneurs à sa mort arrivés.
Vraie image de ceux qui profanent l'asile

Qui les a conservés.      

   

La Fontaine, Fables, V, 15, 1668 

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Dans ce poème extrait des Fleurs du Mal, Baudelaire parle du vin et de son « âme ». Pour Baudelaire, le vin, les paradis artificiels d’une façon générale, sont une façon d’échapper au spleen qui fait tant souffrir les hommes. Hommage aux bienfaits du vin.

 

L'âme du vin

Un soir, l'âme du vin chantait dans les bouteilles :
" Homme, vers toi je pousse, ô cher déshérité,
Sous ma prison de verre et mes cires vermeilles,
Un chant plein de lumière et de fraternité !

Je sais combien il faut, sur la colline en flamme,
De peine, de sueur et de soleil cuisant
Pour engendrer ma vie et pour me donner l'âme ;
Mais je ne serai point ingrat ni malfaisant,

Car j'éprouve une joie immense quand je tombe
Dans le gosier d'un homme usé par ses travaux,
Et sa chaude poitrine est une douce tombe
Où je me plais bien mieux que dans mes froids caveaux.

Entends-tu retentir les refrains des dimanches
Et l'espoir qui gazouille en mon sein palpitant ?
Les coudes sur la table et retroussant tes manches,
Tu me glorifieras et tu seras content ;

J'allumerai les yeux de ta femme ravie ;
A ton fils je rendrai sa force et ses couleurs
Et serai pour ce frêle athlète de la vie
L'huile qui raffermit les muscles des lutteurs.

En toi je tomberai, végétale ambroisie,
Grain précieux jeté par l'éternel Semeur,
Pour que de notre amour naisse la poésie
Qui jaillira vers Dieu comme une rare fleur ! "

Charles Baudelaire, Les Fleurs du mal, 1857

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Dans cet extrait, Zola décrit l’alambic maudit qui fournit l’alcool dans le bar, l’Assommoir. Gervaise et Coupeau sombrent dans l’alcoolisme au cours du roman et en meurent.

L'alambic, avec ses récipients de forme étrange, ses enroulements sans fin de tuyaux, gardait une mine sombre ; pas une fumée ne s'échappait ; à peine entendait-on un souffle intérieur, un ronflement souterrain ; c'était comme une besogne de nuit faite en plein jour, par un travailleur morne, puissant et muet. Cependant, Mes-Bottes, accompagné de ses deux camarades, était venu s'accouder sur la barrière, en attendant qu'un coin du comptoir fût libre. Il avait un rire de poulie mal graissée, hochant la tête, les yeux attendris, fixés sur la machine à soûler. Tonnerre de Dieu ! elle était bien gentille ! Il y avait, dans ce gros bedon de cuivre, de quoi se tenir le gosier au frais pendant huit jours. Lui, aurait voulu qu'on lui soudât le bout du serpentin entre les dents, pour sentir le vitriol encore chaud, l'emplir, lui descendre jusqu'aux talons, toujours, toujours, comme un petit ruisseau. Dame ! il ne se serait plus dérangé, ça aurait joliment remplacé les dés à coudre de ce roussin de père Colombe ! Et les camarades ricanaient, disaient que cet animal de Mes-Bottes avait un fichu grelot, tout de même. L'alambic, sourdement, sans une flamme, sans une gaieté dans les reflets éteints de ses cuivres, continuait, laissait couler sa sueur d'alcool, pareil à une source lente et entêtée, qui à la longue devait envahir la salle, se répandre sur les boulevards extérieurs, inonder le trou immense de Paris.

Zola, L’Assommoir, 1877

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Saint Anselme de Cantorbéry, Prologue sur l’existence de Dieu

Allons, courage, pauvre homme ! Fuis un peu tes préoccupations, dérobe-toi un moment au tumulte de tes pensées. Rejette maintenant les encombrants soucis et laisse de côté les tracas. Donne un petit instant à Dieu et repose-toi en lui. « Entre dans la chambre » de ton esprit, n’y laisse rien entrer, sauf Dieu ou ce qui peut t’aider à le chercher. Ferme la porte et mets-toi à sa recherche. A présent, parle, mon cœur, ouvre-toi tout entier et dis à Dieu : « Je cherche ton visage ; c’est ton visage, Seigneur, que je cherche. »

Et maintenant, toi, Seigneur mon Dieu, enseigne à mon cœur où et comment te chercher, où et comment te trouver, Seigneur, si tu n’es pas ici, si tu es absent, où donc te chercherai-je ?

Certes, tu habites une lumière inaccessible. Mais où est la lumière inaccessible, et comment accéderai-je à cette inaccessible lumière ? Qui m’y conduira et me plongera en elle pour que je t’y voie ?

Apprends-moi à te chercher et montre-toi quand je te cherche ; car je ne puis te chercher si tu ne me guide, ni te trouver si tu ne te montres.

Je te chercherai par mon désir et te désirerai en ma recherche. Je te trouverai en t’aimant et t’aimerai quand je te trouverai.

 

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